Dès le début de mon aventure avec la peinture à Lyon, et merci aux galeries Le Lutrin, de Paul Gauzit, et l’Oeil écoute des Bressy auprès desquels j’ai fait mes premiers modestes achats, je me demandais quels peintres à Lyon pouvait être un Maître pour les jeunes générations dont je rencontrais hommes et femmes et les œuvres. Lequel, lesquels d’entre les peintres les plus âgés allaient-ils rencontrer ? Les soirs de vernissages, je ne rencontrais pas de générations mélangées. Cette constatation croissait d’autant plus que dix ans plus tard j’allais découvrir la Pologne, à peine vingt ans plus tard la Croatie, leur histoire de l’art et nombre de leurs artistes, ceux qu’ont peut dire historiques, et je rencontrais dans chaque vernissage, non seulement dialogue, discussions écoutées, mais des maîtres et les professeurs, les artistes plus âgés dont les œuvres déjà étaient dans les musées, qui venaient assister à la monstration des oeuvres des jeunes. Et vice versa, d’ailleurs, les jeunes aux vernissages des âgés.

Où veux-je en venir ? La première fois que je rencontrais Jean Raine, et que, avec d’autres je l’accompagnais une partie de la nuit, ce fut à l’occasion d’une de ces expositions des années 1970, folles, où on s’amusait beaucoup en même temps qu’on regardait, discutait, dans un de ces lieux foisonnants que créèrent les artistes eux-mêmes, nouveaux magazines libres à l’appui, ce soir là c’était à la Traboule 91, il devait y avoir Nicolas Artheau, Ughetto, Jean-Claude Guillaumon, Bourgey, Achoury, mouvance qui créèrent Le Frigo, mouvance qui créa les premières télévisions libres, les premières radio libres - tout cela tué, vite pris en main par le capital et la vente de produits.

Il y avait alors là cet aîné.

Immédiatement j’ai suivi Jean Raine. Je le connaissais de nom et de réputation : un homme libre que chaque ouverture de bouche, lèvres qui bougent, lançaient la phrase pertinente, radicale, poétique, que chez lui Sanky Raine, son épouse, devait immédiatement écrire quelque part. Je peux témoigner combien de jeunes gens allaient lui rendre visite, combien Jean et Sanky Raine les recevaient chaleureusement, combien ils, nous, puisions de force, d’intelligence, de liberté possible auprès de lui, sa peinture et l’homme.