Il serait temps qu’on lui rende un vibrant hommage par une exposition rétrospective muséale d’envergure car Jean Raine est l’un de nos artistes à compter parmi les plus singuliers de la seconde moitié du siècle passé. Pas étonnant qu’il soit célébré au Centre Pompidou. Poète, cinéaste, auteur de textes, il participe au mouvement Cobra et donne une nouvelle dimension à son aventure artistique toujours expérimentale en prenant le pinceau durant les années cinquante.
Jean Raine (1927, Bruxelles - 1986, Lyon) est un artiste tourmenté qui s’est imprégné de l’esprit du surréalisme et a donné libre cours à une force imaginative peu commune toujours en recherche d’une expression libre et à la limite de l’incontrôlé, laissant à son psychisme inventif la toute puissance.
Constituée d’oeuvres sur papier sauf une petite toile d’exception, particulièrement vive, nerveuse, concentrée, strictement en noir et blanc, l’exposition s’étendant de la fin des années cinquante (1957) aux débuts des années quatre-vingt, donne un aperçu de l’étendue du registre principalement dans des encres de format modeste dont les titres sont révélateurs. Du dessin quasi automatique (probablement au téléphone) au portrait (ma mère) ou à l’autoportrait, des évasions quelque peu fantasmagoriques parfois peuplés d’étranges créatures mi-fantômatique, mi-animales ; des encres aux frontières d’une abstraction vivante, l’oeuvre, fiévreuse, exutoire d’un trop plein de visions, constitue un univers toujours sur la lame du gouffre, là où la folie forme d’indépendance d’esprit dont Erasme en un écrit satirique a fait l’éloge, rejoint les violences les plus intimes de son être.